Le site de généalogie de Catherine et Michel Meste |
(29ème
génération, Catherine Nerzic
Sosa 1)
Dhuoda
notre ancêtre, femme de Bernard de
Septimanie fils de St Guilhem, composa en 841 un « Manuel pour mon
fils ». Parmi les devoirs qu’un jeune prince doit respecter l’un
d’entre
eux consiste à garder en mémoire ses aïeux ; elle demande à son
fils de
compléter la liste qu’elle lui en donne au fur et à mesure des décès
des
membres de sa famille. Suivant ce conseil j’ai essayé d’établir cette
liste
tout en la complétant pour certains d’entre eux, de faits mémorables.
Ainsi
je complète la liste de notre arbre
généalogique par des « portraits « de certains de nos
ancêtres et je
commencerai par l’une des plus remarquables : Aliénor d’Aquitaine.
Choisissons
ce résumé de la
vie de notre ancêtre Aliénor
par le site Hérodote :
« Au
XIIe siècle, une jeune femme au destin exceptionnel marque l’histoire
du Moyen
Age. Elle s’appelle Aliénor d’Aquitaine, elle est jeune, intrépide,
belle,
redoutable. Elle réussit l’exploit d’être reine de France puis reine
d’Angleterre dans une seule vie. De quoi créer un véritable mythe !
Aliénor
d'Aquitaine ne fait rien à moitié, elle vit jusqu’à ses 80 ans. Elle a
dix
enfants, et deux rois comme maris. Elle épouse d'abord le roi de France
Louis
VII. Elle divorce. Puis elle se remarie avec le futur roi d’Angleterre
Henri
II. Une santé de fer et un sacré appétit : pour la politique, pour
l’art,
pour la vie.
C'est
un couple puissant, riche, ambitieux, qui règne en maître sur une
grande partie
de l'Europe : leurs terres s'étendent de l'Espagne à
l'Ecosse. »
Tout
en étant exceptionnelle, la vie d'Aliénor
témoigne du comportement très libre des femmes
au Moyen
Âge, du moins dans les classes supérieures. Elles suivent leur mari à
la
croisade, étudient, animent des Cours etc. Elles sont néanmoins moins à
l’aise
dans la conduite de la guerre. Comme Aliénor, elles doivent dans ces
occasions
se faire épauler par un mari, un fils ou un fidèle vassal. Elles
perdront de leur
autonomie à la Renaissance, quand les juristes ressusciteront le droit
romain
et le statut
d'infériorité féminine
qui s'y
attache.
Georges Duby précise bien que les personnages historiques du XIIème siècle ne nous sont connus que par des écrits, le plus souvent bien postérieurs à la mort du personnage, et de plus œuvres de gens d’Eglise très défavorables à un personnage comme Aliénor. Nous nous en tiendrons donc aux faits.
Aliénor
est l’ultime héritière
d’une longue lignée de comtes de Poitiers et ducs d’Aquitaine.
L’incertitude
demeure sur le fondateur, Géraud 1er d’Auvergne, sans doute nommé roi
d’Aquitaine par son beau-père Pépin 1er (fils de Louis le Pieux et
petit-fils
de Charlemagne). Géraud est mort en 841 à la bataille de
Fontenay-en-Puisaye
qui opposa entre eux les héritiers de Louis le Pieux.
Le
titre de comte de Poitiers
fut donné à Ramnulf 1er fils de Géraud, qui fonde la lignée des
Ramnulfides ;
il décède en 866 à la bataille de Brissarthe contre les Vikings.
Ramnulf
II (fidèle aux
capétiens comme les seigneurs du sud de la Loire et fils du précédent)
s’oppose
à l’élection de Eudes comme roi des francs. Il meurt en 890 et c’est
Ebles
Manzer son fils illégitime, qui se lance à la reconquête de son
héritage :
il reprend le comté de Poitou et meurt en 935.
Guillaume
III dit Tête
d’Etoupe, fils d’Ebles, épouse Gerloc/Adèle, fille du duc de Normandie
Rollon.
Il s’allie donc à un viking alors que ses ancêtres sont morts en se
battant
contre eux. Il marie sa fille Adélaïde d’Aquitaine à Hugues
Capet (quittant ainsi les carolingiens pour lesquels ses ancêtres
s’étaient
battus) ; il meurt en 963.
Guillaume
IV Fiérebrace fils
de Tête d’Etoupe conserve difficilement le comté de Poitou et le duché
d’Aquitaine. Il épouse Emma de Blois fille de Thibaut le Tricheur.
Après une
vie tumultueuse il abdique se retire à l’abbaye Saint-Cyprien de et
meurt en
995.
Son
fils Guillaume le Grand,
duc d’Aquitaine, comte de Poitiers, prince cultivé et pieux eut un
règne
pacifique. N’'ayant pas de qualités d'homme de guerre, il subit
plusieurs
revers. De ses trois mariages il eut des fils qui se succédèrent à la
tête de
son domaine : Guillaume VI le Gros, Eudes, Guillaume VII Aigret,
enfin
Guillaume VIII Guy-Geoffroi ancêtre d’Aliénor. La fille de Guillaume le
Grand,
Agnès d’Aquitaine, épousa en 1043 l’empereur Henri III de Germanie, fut
couronnée à Rome le 25.12.1046 ; à la mort de l’empereur elle
devint
régente de l’empire selon le vœu de son époux, leur fils n’ayant que 6
ans.
Guillaume VIII d’Aquitaine (1024-1086) appelé Guy-Geoffroi succède à son frère Aigret et doit se battre pour prendre le dessus sur ses vassaux : il prend Toulouse, la Saintonge, et bat le duc d’Armagnac. Il commande la croisade en 1063. Il répudie ses deux premières épouses et la troisième lui donne un héritier : Guillaume IX. Ses filles font des mariages prestigieux ; née de son deuxième mariage, Agnès est reine de Castille pour avoir épousé Alphonse VI de Leon ; née du troisième mariage, Agnès est reine d’Aragon et de Navarre pour avoir épousé Pierre 1er d’Aragon.
Guillaume
IX de Poitiers
(1071-1127), grand-père d’Aliénor, né du troisième mariage de
Guy-Geoffroi,
succède à 15 ans à son père, d’où son surnom : « le
jeune ».
Surnommé le Troubadour, il
entretient à Poitiers une des cours les plus raffinées d'Occident. Il
accueille
à sa cour le barde
Gallois
Blédri
ap Davidor,
qui réintroduit sur
le continent l'histoire de Tristan
et Iseut.
Il
est lui-même un poète, utilisant la langue
d'Oc
pour
ses œuvres, soit des poèmes mis en musique.
Guillaume
consolide le duché d’Aquitaine :
en s’opposant au comte d’Angoulême, en s’emparant des biens de l’Eglise
pour
financer sa campagne contre Toulouse dont il a acquis des droits par
son
mariage avec Philippa de Toulouse.
Il
participe à la croisade en 1101 (dont il raconte dans ses poèmes sa
captivité
en Orient) et à la fin de sa vie à la Reconquista
au côté de Alphonse le Batailleur roi de Castille et Leon, époux de sa
sœur
Béatrice.
La
vie familiale du comte de Poitiers est elle aussi pleine de
rebondissements.
Succédant à son père à l’âge de 15 ans, il est marié à 18 ans à
Ermengarde
d’Anjou qu’il répudie 3 ans plus tard.
Il
épouse en 1094 Philippa de Toulouse
fille de Guillaume IV de Toulouse (la lignée des comtes de Toulouse
descend de
Guillaume de Gellone, noble important et personnalité militaire de
l’époque
carolingienne). Guillaume de Poitiers et Philippa de Toulouse ont 3
enfants : son héritier Guillaume X
(père d’Aliénor), Agnès de Poitiers épouse de Ramire II d’Aragon et Raymond de Poitiers prince d’Antioche.
Le
Troubadour abandonne sa femme Philippa, qui se retire dans le monastère
de Fontevraud, et prend pour compagne
Dangereuse de l’Isle-Bouchard, femme de son vassal le vicomte Aymeric 1er
de Chatellerault. Il n’hésite pas non
plus à marier en 1118 son fils Guillaume X à Aénor de Chatelleraut
(1103-1130)
fille de Aymeric et Dangereuse.
Le
père d’Aliénor Guillaume
X duc
d'Aquitaine
(ou Guillaume VIII
comte de Poitou), dit le Toulousain ou le Saint,
né en 1099 à Toulouse et mort en
1137
est le
dernier des comtes
de
Poitiers de la
dynastie des Ramnulfides. Il
succède à son père le troubadour à l’âge
de 28 ans. Il s’allie contre la Normandie au comte
d’Anjou Geoffroy
le Bel (père
du futur Henry II Plantagenet).
A sa
naissance en 1122, Aliénor a donc dans son entourage le comte régnant,
son
grand-père le Troubadour, et sa maîtresse Dangereuse qui décèdent
successivement en 1127 et 1152. Sa grand-mère Philippa est décédée
depuis 1117.
Elle fréquente aussi son oncle Raymond de Poitiers jusqu’en en 1136
date à
laquelle il se marie à Antioche avec Constance, héritière de la
principauté
d’Antioche.
Elle
reçoit l'éducation soignée d'une femme noble de son époque à la cour
d'Aquitaine, soit dans les différentes résidences des ducs
d'Aquitaine : Poitiers,
Bordeaux,
le château
de Belin où elle
serait née, soit encore dans un
monastère féminin. Elle apprend le latin, la musique
et la littérature, mais aussi l'équitation
et la chasse.
En
1130, à l’âge de 8 ans, Aliénor perd sa mère et son frère Guillaume
Aigret.
Seule héritière du duché d’Aquitaine, elle reçoit le serment de
fidélité des
seigneurs d’Aquitaine pour son 14ème anniversaire en 1136.
Elle perd son père qui décède le 9 avril 1137, jour du Vendredi saint, au cours d’un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans ses dernières volontés Guillaume avait prié son ami le roi des Francs Louis VI le Gros de bien vouloir consentir à marier son fils Louis à sa fille aînée, Aliénor.
A
15 ans, le 1.8.1137 après le décès de son père, Aliénor épouse
l’héritier du
roi de France le futur Louis VII
âgé de 17 ans, dans la cathédrale
Saint-André
de Bordeaux.
Une
semaine après, le roi Louis VI le gros décède. Les jeunes mariés sont
couronnés
à Noël 1137 à Bourges, 4 mois après leur mariage ; ils ont moins
de 20 ans.
La
cour de France est très différente de la cour de Poitiers, et Louis VII
n’est
pas un troubadour. En tant que fils cadet, il a été éduqué jusqu’à 11
ans pour
la vie ecclésiastique. Cela explique la piété austère et rigoureuse
qu'il
manifestera durant son règne, très opposée aux mœurs de sa femme.
Aliénor rompt avec les us de la cour de France : elle se coiffe et se vêt d’une manière moins austère, elle fait venir des troubadours, leur fille Marie nait en 1145. Durant toute cette période, malgré son influence sur le roi, l'analyse des chartes montre une assez faible implication d'Aliénor dans le gouvernement : elle est là pour légitimer les actes. Toutefois, elle pousse Louis VII à prendre des décisions désastreuses, ce qui amène en 1146 le Pape Eugène à jeter l’interdit sur le Royaume de France. En conséquence, le roi prend la décision de se joindre avec sa femme à la deuxième croisade. Le pape approuve et permet au Roi des Francs de prélever un impôt sur les biens ecclésiastiques (le décime).
Louis
prend alors la tête de 300 chevaliers d’une armée nombreuse et de
dizaines de
milliers de pèlerins. De son côté, Aliénor emmène toute une suite, les
épouses
de certains croisés, de nombreux chariots. Elle emmène aussi un
troubadour
connu, le fameux Jaufré Rudel (qui y laissera la vie). Le convoi est
interminable et ralentit considérablement la croisade. Les Croisés se
réunissent à Metz,
ville impériale. Ils passent ensuite par la vallée du Danube,
où ils retrouvent l’armée de Conrad III (« roi des
Romains »). Ils
prévoient de passer en Asie
Mineure par Constantinople,
où ils arrivent le 4
octobre 1147. La
découverte de l’Orient fascine Aliénor mais
rebute Louis. Par ailleurs, l’expédition est marquée par la discorde
entre les
protagonistes et par les revers et défaites de louis VII.
En
1148, les Français rejoignent Antioche qui est aux mains de Raymond de
Poitiers,
oncle d’Aliénor ; celui-ci les reçoit une dizaine de jours avec
beaucoup
d’égards. En effet, Raymond espère obtenir l’aide de Louis VII, mais
celui-ci refuse car
il veut accomplir le pèlerinage à Jérusalem, but de son voyage. Après
Jérusalem,
le couple royal séjourne encore une année en Terre Sainte ; leur
retour
s’effectue sur deux navires différents dans des conditions périlleuses,
pris
dans une bataille entre les normands de Sicile et les Byzantins. Les
bateaux
sont séparés : Aliénor, délivrée par les Normands de Sicile,
atterrit à
Palerme et Louis en Calabre. La croisade est un échec.
Aliénor
a déjà fait part de son intention de divorcer, mais le pape intervient
pour
réconcilier les époux ; Alix nait alors en 1150. Pourtant la
réconciliation n’a pas vraiment lieu, d’autant plus que ce second
enfant est
encore une fille.
Louis VII se remariera plus tard une deuxième puis une troisième fois pour avoir enfin un fils : le grand Philippe Auguste (auguste parce que né au mois d’aout 1165).
C’est le second
concile de Beaugency qui trouve finalement une
faille pour prononcer l’annulation du mariage
le 21 mars 1152 :
la consanguinité.
Aliénor reprend sa dot,
rentre à Poitiers et manque par deux fois d’être
enlevée. Ceux qui convoitent le plus beau parti de France sont Thibaud
V de
Blois et Geoffroy Plantagenet.
Thibaut de Blois (1130-1191)
faisait partie d’une famille puissante dont
un membre Etienne de Blois avait été Roi d’Angleterre de 1135 à 1154.
Il fut
nommé sénéchal de France par Louis VII, qu’il trahit pour son rival
Henry II
Plantagenet, puis revint vers Louis VII contre Henri II… Il épousera
Alix de France
(mon ancêtre) fille de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine !!!
Geoffroy VI d’Anjou
Plantagenet (1134-1158) est le frère cadet de Henry
Plantagenet, tous deux fils de Mathilde l’Emperesse. Leur père avait
par
testament donné l’Anjou à Geoffroy à condition que Henri l’ainé soit
roi
d’Angleterre. Geoffroy mourut sans héritier ce qui permit à Henri de
récupérer
le Maine et l’Anjou.
C’est Henri Plantagenet,
frère aîné de Geoffroy, qu’Aliénor épouse le
18.5.1152 à Poitiers : il a 11 ans de moins qu’elle. Il est duc de
Normandie depuis 2 ans, et le roi d’Angleterre Etienne de Blois
l’accepte comme
son héritier car il est sans descendance.
Le 19.12.1154 Henri est
couronné au côté
d’Aliénor dans l’abbaye de Westminster. L’Angleterre s’agrandit de la
moitié de
la France : Normandie, Anjou, Aquitaine et Bretagne.
L’une des conséquences
importantes sera que les Béarnais et leur vicomte
ne se sentent plus aucun lien avec les nouveaux maîtres de la
Gascogne :
rompant en 1154 leur lien de vassalité avec le nouveau duc d’Aquitaine,
ils font
allégeance au Roi d’Aragon avec lequel ils avaient des liens anciens.
En effet,
les Béarnais avaient soutenu les Aragonais dans leurs guerres contre
les
musulmans, et s’étaient installés à Saragosse, Jaca ou Huesca. Ce lien
avec
l’Aragon disparaitra près d’un siècle après, en conséquence de
l’épisode des
Cathares, le Roi d’Angleterre obligeant Gaston VII de Béarn à redevenir
son
vassal.
En
13 ans naissent 8 enfants.
Si Aliénor
suit les déplacements du roi ou le représente, elle n’est pas
« aux
commandes ». Mais la cour d’Angleterre connait une importante
floraison
littéraire et le couple royal joue un rôle de mécène. En 1162
commencent les
travaux d’une nouvelle cathédrale à Poitiers ; Aliénor accorde une
charte
de commune à Poitiers et agrandit l’enceinte de la ville et le palais.
En 1160, Aliénor
jette les
bases d'un droit
maritime avec la
promulgation des Rôles
d'Oléron,
lesquels sont à l'origine de la loi
actuelle de l'Amirauté
britannique, et du droit
maritime moderne. Elle passe des accords commerciaux avec
Constantinople.
Vers 1167, Aliénor commence à prendre des décisions importantes sans la confirmation de son mari, mais parce qu’il l’accepte. En 1170, dépassé par l’étendue de son domaine, Henri II proclame duc d’Aquitaine son fils de 14 ans Richard (1157-1199, qui sera appelé Cœur-de-Lion). Aliénor gouverne le duché en son nom et s’installe à Poitiers où elle crée une cour d’amour.
En 1173, avec l’aide de Louis
VII (son ex-mari Roi de France), de
Guillaume 1er Roi d’Ecosse, et de plusieurs barons anglais,
Aliénor
soulève ses fils Geoffroy, Richard et Henri le jeune (15, 16 et 18 ans)
contre
leur père Henri II. Elle tente de rejoindre Louis VII à Paris ;
alors
qu’elle voyage sous un déguisement de page, elle est faite prisonnière
par les
soldats de Henri II. Elle est emprisonnée pendant presque quinze
années, d'abord à Chinon, puis à Salisbury et dans divers
autres châteaux d'Angleterre.
En 1183 Henri le jeune se révolte contre son père, puis c’est le tour de Richard. Henri II fait revenir Aliénor sur le continent afin qu’elle ramène Richard dans l’obéissance.
Richard
Après la mort d’Henri II le
6.7.1189, Richard devenu roi libère sa mère.
Elle parcourt alors
l’Angleterre et gouverne au nom de Richard parti
vers la 3ème croisade. Il a promis à Sanche VI de Navarre
d’épouser
sa fille Bérengère.
Richard part néanmoins
rejoindre les croisés en partant de Marseille. C’est
Aliénor qui accompagne la future épouse de Richard en plein hiver par
les Alpes
et l’Italie jusqu’à Messine où elle arrive fin mars 1191. Le mariage a
lieu le
16.5.1191. Bérengère suit Richard en Palestine et reste à Acre jusqu’au
29.9.1192, date à laquelle elle embarque seule pour Brindisi puis Rome.
Richard est fait prisonnier
par Léopold V de Babenberg, duc d’Autriche
(qui a pris les commandes des croisés allemands). Richard reste captif
jusqu’en
février 1194. Aliénor et Bérengère négocient le montant de la rançon.
Bérengère
retourne en Gascogne. Elle sera la seule reine d’Angleterre à ne jamais
venir
en Angleterre.
En l’absence du roi légitime,
Aliénor doit empêcher son plus jeune fils
Jean sans Terre de trahir son frère. Elle réunit l’énorme rançon et
durant
l’hiver 1193-94 l’amène elle-même à Mayence à l’empereur Henri VI (qui
avait
succédé à son père Fréderic Barberousse). Aliénor se retire à
Fontevraud.
Richard de retour de captivité essaie de récupérer ses frontières et
construit
une grande forteresse sur la Seine : Château-Gaillard, épuisant le
trésor
royal. Blessé au cours d’une des nombreuses batailles qui l’opposent au
Roi de France,
Richard meurt le 6.4.1199.
Jean sans Terre
Cinquième et dernier fils du
roi Henri II d'Angleterre et d'Aliénor
d'Aquitaine, Jean
n'était pas destiné à monter sur le trône ou à recevoir un quelconque
territoire en héritage ; il fut donc surnommé Jean sans Terre
par
son père. Cela
changea
après la révolte ratée de ses frères aînés entre 1173 et 1174 et il devint le fils préféré
d'Henri II
qui le fit seigneur
d'Irlande en 1177 et lui accorda des terres
sur le
continent. La mort de trois de ses frères (Guillaume, Henri
et Geoffroy) et l'accession au trône de Richard
Ier en 1189 en fit l'héritier, en compétition avec son
neveu Arthur. Jean tenta sans succès de
prendre le
pouvoir alors que son frère participait à la troisième
croisade mais il
devint finalement roi en 1199.
Aliénor parcourt alors
l’ouest de la France pour s’assurer de l’alliance
avec l’Anjou, de la fidélité de l’Aquitaine, et fait allégeance au Roi
de
France Philippe II. Elle part en janvier 1200 en Castille pour ramener
sa
petite fille Blanche afin qu’elle épouse l’héritier du trône de France,
le
futur Louis VIII (ils seront les parents de Saint-Louis).
Aliénor se retire à
Fontevraud mais Philippe Auguste saisit les domaines
continentaux de Jean sans Terre pour cause de félonie. Aliénor doit
fuir
Fontevraud et est alors assiégée à Mirebeau près de Loudun par le duc
de
Bretagne (son petit-fils Arthur, fils de Geoffroy). Elle est alors
délivrée par
son fils Jean.
Aliénor se retire une dernière fois à Fontevraud, puis meurt à Poitiers le 31.3.1204, quelques semaines après la prise de Château-Gaillard.
Ses deux filles
aînées sont
françaises.
Elles sont toutes deux mes ancêtres. Après
le divorce de leurs parents, elles sont confiées à leur père, Louis VII
roi de
France remarié à Adèle de Champagne. Louis VII marie ses deux filles
aux frères
de sa femme :
Marie (1145-1198), fiancée à l’âge
de 2 ans
avec Henri de Champagne (de presque 20 ans son ainé), l’épousera
seulement en
1164. Pendant ces 20 années de fiançailles, Henri a suivi la croisade
avec Louis
VII père de sa fiancée. Devenu comte en 1152 et beau-frère de Louis VII
par le
mariage de celui-ci avec sa sœur Adèle, Henri le libéral se voit
confier des
négociations avec les personnages importants d’Europe : les papes
successifs, l’empereur Fréderic Barberousse, Thomas Becket, Henri II
Plantagenet. Henri, chef suprême du comté
de Champagne, a
eu pour le seconder un nombre
important de grands officiers et de conseillers, clercs ou laïcs de
grandes
valeurs. C'est sous son règne que les Foires
de Champagne
prennent leur essor.
Comme
sa mère Aliénor à Poitiers, Marie tient avec son époux une cour à
Troyes, protégeant
les écrivains dont Chrétien de Troyes. La plus grande partie de la
bibliothèque personnelle du comte Henri le
Libéral et de sa femme Marie de Champagne, est maintenant conservée à
la médiathèque
de Troyes. C’est
la plus ancienne bibliothèque connue d’un grand prince féodal, témoin
de la
naissance de la culture courtoise et chevaleresque au XIIe siècle.
Preuve
de la solidarité familiale, Philippe Auguste pour venger Henri le Lion
(mari de
sa sœur Mathilde Plantagenêt) voulut partir en guerre contre Fréderic
Barberousse ; c’est alors qu’intervint Henri de Champagne qui le
dissuada
d’une entreprise hasardeuse.
Marie
assure la régence du comté lorsque son mari repart en croisade de 1175
à 1778,
puis après la mort de celui-ci assure la régence de leur fils mineur
Henri.
Elle assure encore la régence lorsque, à son tour, ce dernier part en
croisade
avec Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste ses oncles.
Marie
se retire au couvent à la mort de son fils ainé Henri II de Champagne
devenu
roi de Jérusalem, laissant le pouvoir à son second fils Thibaut III.
Alix (1151-1198), deuxième fille
de Louis
VII et Aliénor d’Aquitaine, épouse Thibaut V de Blois veuf et de 20 ans
son
ainé ; rappelons qu’il avait tenté d’enlever sa mère Aliénor au
moment de
son divorce. Comme sa sœur, elle assure la régence du comté lors des
croisades
et durant la minorité de son fils. Aucun document ne rapporte de
rencontre
entre Alix et sa mère après le divorce de celle-ci. Précisons que
Thibaut V de
Blois est le frère de Henri le Libéral que l’on a vu ci-dessus :
leur sœur
Adèle de Champagne ayant épousé le roi Louis VII, celui-ci leur donna
ses deux
filles en mariage.
Ses trois filles avec Henri
II Plantagenet
Mathilde (1156-1189), également mon
ancêtre, est
née à Windsor ; elle passa en 1160 sur le continent avec sa mère,
revint
en 1163 en Angleterre, puis, en 1167 à 11 ans, prit la mer pour épouser
Henri
le Lion duc de Saxe et de Bavière, veuf et de 30 ans son aîné. Trois
nefs
chargées de cadeaux et de courtisans accompagnaient Mathilde et sa mère
Aliénor. Des noces somptueuses furent célébrées le 1.2.1168 à la
cathédrale de
Minden. Lorsque Henri le Lion part pour la Terre Sainte, elle le
représente.
Ils ont 4 enfants dont Otton V qui deviendra empereur du Saint-Empire.
Son
époux Henri le Lion (de la dynastie Welf) est l’un des plus puissants
des
nobles germaniques. Il soutient son cousin Fréderic Barberousse (de la
dynastie
Hohenstaufen) lors de son accession au titre de roi des Romains en
1152. Mais
leurs relations se détériorent et en 1176 Henri le Lion s’exile chez
son beau-frère
Richard Cœur de Lion. Nous avons vu plus haut qu’à cette occasion, la
solidarité familiale se manifesta.
Mathilde
et Henri sont les ancêtres directs de la reine Victoria.
Aliénor d’Angleterre (1162-1214) naît au château
de Domfront
en Normandie. Elle vécut en Normandie ou à Poitiers, dans la cour très
raffinée
de ses parents. Dès 1168, elle est fiancée à l’héritier du trône de
Castille
Alphonse VIII (de 7 ans son ainé). Après un voyage par mer, le mariage
a lieu
en 1170 à Tarazona. Elle apporte le duché d’Aquitaine qu’elle tient de
sa mère,
et Alphonse lui offre la juridiction de 14 villes, 16 châteaux et 9
ports. Le
mariage entre les deux époux semble s’être transformé en un mariage
d'amour. De
toutes les filles d'Aliénor d'Aquitaine, celle qui porte son prénom
sera la
seule à laquelle les circonstances permettront de jouer le rôle
influent que sa
mère avait exercé sur la politique de son temps. Elle fut reine consort
de
Castille. Elle apporte dans son nouveau royaume la culture courtoise,
la poésie
et les troubadours que sa mère lui avait transmis. Elle aura aussi une
influence sur les mariages de ses enfants.
Aliénor
apportait à son mariage le comté de Gascogne, qu'Alphonse ne pourra
toutefois
jamais annexer à la couronne de Castille. Il ira jusqu'à envahir la
Gascogne au
nom de son épouse en 1205. L'année suivante, le roi Jean sans Terre
accorde à
sa sœur un sauf-conduit pour que celle-ci puisse lui rendre visite,
pour ouvrir
des négociations de paix.
Aliénor
est la mère de Blanche de Castille. Selon
la volonté de sa grand-mère Aliénor
d'Aquitaine pour
sceller la paix entre la France et
l'Angleterre, l'une de ses petites-filles devait épouser le fils du Roi
de
France. Durant l'hiver de 1199-1200, Aliénor, quoiqu’octogénaire, se
rend donc
à la cour de Castille. Le 9 avril 1200, Blanche et sa grand-mère
arrivent à Bordeaux,
escortées d'une nombreuse députation castillane. Elles se rendent ensuite en Normandie auprès de Jean
sans Terre et de Philippe
Auguste. Le
mariage ne peut avoir lieu sur le domaine du roi de France, le pape
Innocent III l'ayant
frappé d'interdit. Il est donc
célébré le 23 mai 1200 en Normandie, dans le royaume, mais hors du
domaine
royal de l'époque.
Jeanne d’Angleterre (1165-1199) naît au château
d’Angers.
Elle fut éduquée à l’abbaye de Fontevraud. Le 13.2.1177 à Palerme, elle
épouse
le roi Guillaume II de Sicile, qui meurt âgé de 35 ans en 1189.
Veuve,
elle rejoint son frère Richard Cœur de Lion en Palestine, qui lui
propose
d’épouser un prince musulman. Elle refuse.
Richard
étant fait prisonnier, elle accompagne sa femme Bérengère de Navarre
pour son
retour en Aquitaine, et demande à Raymond VI de Toulouse de traverser
le comté
de Toulouse pour rejoindre Bordeaux. Elles sont reçues avec faste à
Toulouse.
Jeanne
épouse en octobre 1196 à 31 ans Raymond VI comte de Toulouse âgé de 40
ans, qui
a répudié sa femme Béatrice de Béziers. Ils auront Raymond VII
(1197-1249),
comte de Toulouse marquis de Provence.
Le
catharisme
se propage dans le comté
de Toulouse.
Comme ses sœurs et sa mère, Jeanne
joue un rôle actif. En mars 1199, alors que son
mari règle un litige en Provence, un vassal du
Lauragais se révolte et Jeanne vient elle-même assiéger le château.
Très touchée par la mort de son frère Richard, elle se rend en Angleterre auprès de Jean sans Terre ; sa mère Aliénor est alors en Castille. Jeanne se retire à Fontevraud, où elle décède lors de son accouchement.
Bien
que fondateurs d’une dynastie de rois d’Angleterre, Henri II et Aliénor
sont
inhumés sur le sol français, dans l’abbaye de Fontevraud.
L'abbaye de Fontevraud est
fondée en 1101 ; elle dépend de Gautier de Montsoreau, vassal direct
du comte d'Anjou.
Son
originalité est d’accueillir monastère pour homme et monastère pour
femme sous
la houlette d’une abbesse.
Les
grandes familles de l'aristocratie locale, les comtes
d'Anjou
notamment, ne tardent pas à soutenir la
fondation. Ermengarde
d'Anjou est un
des premiers membres de la famille comtale angevine à prendre l'abbaye
en
considération. Répudiée par Guillaume le Troubadour, elle avait épousé
Alain IV
de Bretagne. Après 10 ans de vie commune,
elle se retire à Fontevraud de 1112 à
1119, année
de la mort de son mari. La
transformation de l'abbaye en nécropole dynastique des Plantagenêt
participera grandement à son développement. Y ont été ensevelis
successivement
de 1189 à 1254 : Henri II et Aliénor, leur fils Richard Cœur de
Lion, leur
fille Jeanne comtesse de Toulouse, son fils Raymond de Toulouse,
Isabelle d’Angoulême
femme de Jean sans Terre.
Après sa fermeture au moment de la Révolution, l’abbaye fut transformée en prison. C’est Prosper Mérimée qui releva l’abbaye et l’ouvrit au public vers 1850. On peut aujourd’hui admirer les gisants d’Aliénor, de Henri, et de Richard Cœur de Lion dans l’église abbatiale.
Dans
l’image populaire, Aliénor
garde aujourd’hui une grande place, admirée
par les
uns, honnie par les autres, rejetant à l’arrière-plan la place éminente
d’administrateurs et de stratèges de ses époux, qui sont aussi tous
deux mes ancêtres.
Sous
Louis VII, la France s’enrichit, l’agriculture se transforme et on
assiste à
une renaissance intellectuelle. La monarchie, jusque-là itinérante, se
fixe à
Paris ; le début d’une administration centrale voit le jour avec
un
Conseil du Roi composé d’hommes éminents. En province, des prévôts
collectent
l’impôt, rendent la justice et lèvent des troupes. Louis VII soutient
l’émancipation des communes, des serfs (l’abolition du servage ne
sera définitive
que sous Louis X en 1315).
Henri
II, énergique et brutal, offre un profil totalement opposé à celui de
son rival
français doux et pieux. Il restaura son autorité brutalement aussi bien
sur le
continent qu’en Angleterre. Il imposa de grands changements dans le
système
judiciaire anglais, modifia la situation économique et augmenta
considérablement
les revenus de la couronne ; il joua un rôle majeur dans la
création d’une
monarchie anglaise. En revanche la nature du gouvernement d’Henri II en
Anjou
et dans le sud de la France reste peu connue.
Il nous reste toutefois d’Aliénor le souvenir d’une femme exceptionnelle par sa beauté, son énergie, son intelligence, son goût de l’art. Aliénor sut avec courage s’imposer de son temps comme grande parmi les grands, malgré le rôle assigné aux personnes de son sexe même dans la classe dirigeante. On peut penser que sans l’Aquitaine d’Aliénor, l’Angleterre ne serait pas devenue la grande nation que nous connaissons aujourd’hui.
Catherine
Meste-Nerzic, le 27/04/2021