Le site de généalogie de Catherine et Michel Meste |
Catherine
Meste-Nerzic
La femme de Pierre BLANCHARD, Anne Pélagie PINOU, descend de Michel DAVY sieur de la BASTILLE (né vers 1500) et de Guillaume POREE sieur du BOUAYS (né vers 1480), familles notables de Saint Malo (voir l'arbre ici).
Il
ne
faut pas confondre la Poste aux
chevaux et la Poste aux lettres ;
les
« courriers » de la Poste aux chevaux sont des voyageurs. Une
troisième institution, les Messageries, assurait déjà avant 1738 le
transport
des voyageurs par coches et avait ses propres relais de chevaux. «
La
Poste aux chevaux est essentiellement destinée à faciliter le
déplacement des
particuliers qui ne veulent pas prendre les voitures publiques des
Messageries
et qui utilisent leurs voitures particulières ou des chevaux et trouvent donc des chevaux frais aux
relais ». [T.Jamaux-Gohier]
Sont
donc nommés des Maîtres
de Postes à chevaux chargés d’organiser ces relais. D’une
manière
générale, les
brevets sont attribués à des personnes ayant déjà des chevaux et
quelques biens,
ainsi qu’une bonne réputation. C'est ainsi que pour Saint-Malo est
pressenti Pierre BLANCHARD des RABINES.
Pour
acquérir le brevet de
Maître de Poste, il faut écrire une lettre de soumission au Roi, dont
le modèle
est fourni par le Grand Maître de Poste (voir ici). Cette charge ne
s’achète pas, le Maître de Poste peut être considéré comme un
fonctionnaire, il
est révocable.
L’avantage
essentiel est d’être
seul habilité à prendre les routes de Poste, au galop, dans le
territoire qui lui est imparti. Comme loueur de chevaux, il pouvait
jusque-là
fournir des chevaux frais aux voyageurs pour les chemins de traverse,
mais ne
pouvait faire galoper sur les routes de Poste.
Dans
le territoire qui lui
est confié, il a priorité sur les Messageries, qui ne peuvent faire
galoper et
doivent lui céder le passage.
En
conséquence, tous les
voyageurs qui ne prennent pas les transports publics doivent
s’adresser
à lui pour se déplacer sur les routes de Poste, ce qui lui assure une
clientèle.
Cette
clientèle aisée doit
trouver toutes les 2 à 3 lieues (8 à10km environ) un Relais où le
Maître de
Poste assure jour et nuit des chevaux frais et un Postillon, qui sont à
sa
charge. L’administration aide quelquefois les Maîtres de Poste à
trouver un
logement convenable, comportant au minimum écurie, grenier à foin et
fourrage,
logement des Postillons ; le loyer reste à leur charge. Le Maître
de Poste
a priorité pour l’approvisionnement en fourrage et foin, puisqu’il
assure un
service public, mais l’achat reste à sa charge, comme l’achat de ses chevaux (6 au minimum). C’est aussi lui qui
engage et rémunère au moins deux Postillons, un palefrenier et les
domestiques
nécessaires. Sont à sa charge également les soins prodigués par le
maréchal-ferrant
(souvent aussi vétérinaire), la fourniture des selles, rennes et
harnais fabriqués
par les selliers et bourreliers. A sa charge aussi l’approvisionnement
en eau,
ce qui en ville est beaucoup plus difficile.
Pour
dédommager le Maître de
Poste, le Trésor Royal lui verse 200 livres par an et la Région 100
livres, en
compensation des privilèges financiers qui existent dans le reste du
Royaume.
Les
Maîtres de Poste sont
par ailleurs exemptés du service de garde, du logement des gens de
guerre, des
corvées (entretien des routes en particulier), ainsi que des droits de
tutelle
et curatelle (nous en verrons plus loin les conséquences pour Pierre
BLANCHARD).
Les
revenus du Maître de
Poste dépendent donc de sa clientèle. Le tarif des courses est fixé
officiellement par le Superintendant. Sous Louis XV, il est de 25 sols
pour
chaque cheval attelé à une chaise pour une personne. « On
peut
calculer que pour le trajet de Saint-Malo jusqu’à Chateauneuf (d’Ille
et
Vilaine !), qui fait partie du domaine imparti à BLANCHARD, il en
coûte à
l’usager 75 sols à marée basse (une poste et demie) ou 100 à marée
haute (deux
postes), qu’il doit au Maître de Poste, et 20 sols pour les guides au
Postillon».
[T. JAMAUX-GOHIER]
Le
fonctionnement des relais
de Bretagne
est sous la direction de l’Intendant de
Bretagne. La Province est divisée en une cinquantaine subdélégations,
sous la
responsabilité de Subdélégués. Ceux-ci sont chargés non seulement de
faire
exécuter les ordres de l’Intendant, mais aussi de faire passer les
informations. Chaque subdélégation comprend un certain nombre de
paroisses (en
plus petit nombre dans les régions de forte contestation…). Les
Subdélégués
sont choisis parmi les notables ayant déjà une charge : sénéchal,
procureur du Roi, alloué…Non rémunérée, la subdélégation est d’autant
plus
honorifique. En 1705 l’évêché de Saint-Malo compte 2 subdélégations.
Le contrôle des relais est assuré par plusieurs échelons de « Visiteurs » appartenant à l’administration centrale des Postes. Ils doivent en particulier, inspecter les Registres de Poste où les Maîtres de Poste doivent obligatoirement noter les noms et qualités des usagers ainsi que les passeports. Des relations étroites avec les services de Police sont dont obligatoires.
Aux
archives départementales
de L’Ille-et-Vilaine à Rennes, la série C permet d’accéder aux
documents
notariaux. Le « contrôle des actes » donne la
description du
contenu de liasses de documents d’époque, manuscrits et imprimés que
l’on
examine ensuite.
Le contrôle des Actes nous permet de
trouver par exemple :
-
la liasse n°1984
qui correspond à la mise en place des Maîtres de Poste de 1738 à 1787
en
Bretagne
-
la liasse n°1985 qui
fournit la liste les documents relatifs à la situation des
Maîtres de Poste de 1754 à 1787, et à l’utilité
ou l’inutilité de certains relais.
-
la liasse n°1982
qui donne la liste des documents concernant le toisé d’un poste à
l’autre en
Bretagne
-
la liasse n°1987
qui liste les documents relatifs au transport des princes et princesses
par
les Maîtres de Poste
-
la liasse n°1985 qui donne la liste
des documents relatifs aux
sanctions applicables aux postillons insolents…
et
enfin
la liasse n°2016
qui est presque entièrement consacrée aux
courriers avec le Maître de Poste Pierre BLANCHARD des RABINES.
C’est
à partir des documents de cette dernière liasse que j’ai pu retracer la
carrière de mon ancêtre Pierre BLANCHARD des RABINES.
Lors
de mes recherches, j’ai
découvert l’ouvrage de T.JAMAUX-GOHIER
et j’ai pu constater que
l’auteur avait largement utilisé l’exemple de mon ancêtre pour
illustrer les
déboires d’un Maître de Poste ! Je lui ai emprunté des informations provenant de documents que je n’ai pas
exploités moi-même.
Je
n’ai pas fait de recherche sur le métier ni sur la demeure de ses parents : Pierre BLANCHARD des
RABINES et Marguerite DUGÜEN. A leur mariage le 23.5.1694 à Saint-Malo,
assistaient
l’oncle de Marguerite, Joachim DUGÜEN négociant et capitaine de navire,
sa femme
Jacquette VIBERT, ainsi que Jacques JACOTARD, Olivier et
Marin RUCET des RIVIERES.
Au
baptême en 1696 d’Yves, frère aîné de
Pierre, les marraine et parrain sont leur
tante Jacquette VIBERT et Olivier RUCET. Les parrain et marraine de mon
SOSA Pierre
le 19.11.1705 sont Jacques LEGENTILHOMME et Victoire THORE, pour
lesquels je
n’ai trouvé aucun commentaire particulier.
A
son mariage le 18.9.1725,
à l’âge de 20 ans, avec
Anne Pélagie PINOU (23 ans), sont présents et signent ses parents, son
frère
(qui signe Yvie), sa sœur Marie Thérèse, et la sœur de Anne Pélagie qui
signe
pour leur mère Yvonne LOUDIA. Les mariés
et leurs parents sont de Saint-Malo. On sait que le père d’Anne
Pélagie
est Maître forgeron au moment de sa naissance mais sa présence n’est
pas
mentionnée au mariage et l’on ne trouve pas sa signature.
En
1738, le couple a 3 enfants :
-
Anne Nicole, née le 7.7.1726, la marraine
est sa tante Julienne PINOU et le parrain Nicolas Hangard
-
Françoise Yvonne (SOSA 255) née le 1.3.1728, le parrain est son oncle
« Yvie » BLANCHARD et la marraine Françoise Gallais
-
François né le 13.9.1734, la marraine est
sa tante Françoise Perrine ADAM, et le
parrain François Clouet
Toujours en 1738, les
membres de sa famille encore en vie sont : sa mère Marguerite
DUGÜEN, qui
habite rue Dauphine à Saint-Servan ; sa sœur Marie-Thérèse (qui a deux enfants : Sylvain-Jean et
Guillemette SEMIDON) dont le mari Sylvain SEMIDON dit GASSION, navigant, acadien, va décéder très vite. Son
frère aîné Yves, navigant, est marié à
Françoise Adam et ils ont quatre enfants (Yves mourra un an après). Son
frère
cadet Michel, marchand,
marié à Jeanne CREN en 1734, a deux
enfants : Pierre et Jeanne.
Sa belle-sœur Julienne
PINOU et sa belle-mère Yvonne LOUDIA sont en vie.
Aucune relation ne
semble établie avec les cousins DUGÜEN.
Pierre
BLANCHARD des
RABINES, loueur de chevaux, devait occuper déjà un logement avec
les
écuries nécessaires à son métier. Je n’ai pu retrouver que le logement
de 1740
en tant que Maître de Poste ; il loue alors la maison de Mme de la
MOTTE VILLE
DURAND, rue Garangeau. C’est une rue de l’intra
muros joignant la rue Sainte Barbe à la place Chateaubriand, qui
porte dès
1725 le nom de l’ingénieur responsable du premier accroissement de la
ville
selon les plans de Vauban. L’accès se fait par des rues étroites.
Pour l’année 1738, celle de la nomination de
Pierre
BLANCHARD des RABINES, on trouve dans les Archives :
-
une lettre de Christophe
Alexandre PAJOT, marquis de Villiers, Contrôleur Général des Postes et
Relais
de France (qui décédera l’année suivante), adressée à Monsieur De
PONTCARRE de
VIARME, Intendant de Bretagne, à propos de l’établissement de la
nouvelle Ferme
des Postes et Relais en Bretagne, lui demandant de bien vouloir payer
six mois
d’avance aux nouveaux Maîtres de Poste.
- le reçu par Pierre BLANCHARD des RABINES, devant notaire, de la somme de 150 livres d’avance pour les six premiers mois de l’année reçue de M.COHIGNE NOUAIL.
-
les réclamations de « la veuve ROULY », Maîtresse de Poste à
Pontorson, qui se plaint de ce que Pierre BLANCHARD, Maître de Poste à
Saint
Malo, fasse conduire les courriers à Avranches et Granville passant par
le gué
des salines pour éviter Pontorson, ou même qu’ils les conduisent
passant par
Pontorson sans relayer…
Dans
le même temps, Blanchard des Rabines se plaint de ce que bien que son
servIce
soit celui de Châteauneuf, soit deux postes à marée basse et deux
postes et
demie à marée haute (environ 9 km), on l’oblige à mener à Pontorson
distante de
quatre postes et demie (20km) et même à Lamballe distante de 31 km. Le
plus
grave est qu’il faut alors embarquer pour passer la Rance et que les
chevaux se
refroidissent et en périssent souvent.
Le
Visiteur Général des Postes, le sieur GUICHON, répond que des ordres
seront
donnés en conséquence… Ces conflits ne passent pas devant les tribunaux
ordinaires. Les Maîtres de Poste dans leur exercice ont droit à une
juridiction
particulière.
La
faiblesse du réseau routier fin XVIIème siècle en Bretagne est connue.
Dans son
ouvrage, A. LESPAGNOL précise que trois axes routiers
principaux partaient
de Saint Malo :
- par le Sillon et Paramé
vers l’est, la route de Normandie,
- vers l’ouest, la route de
Dinard à
Lamballe, la route de la Bretagne (mais il fallait traverser en bateau
l’estuaire
de la Rance de Saint Malo à Dinard) ; c’est par cette voie
qu’arrivaient
les toiles « les bretagnes ».
- vers le sud, la route de
Saint-Servan à Rennes, la mieux
entretenue, passant par Châteauneuf. C’est par cet axe que la ville se
branche
sur la route de Paris. C’est par cette voie aussi que parviennent à
Rennes, en
provenance du port de Saint Malo, les produits du sud : vin,
huile,
fruits, épices...
(source :
infobretagne.com)
En
1739, décède Yves BLANCHARD des
RABINES, « navigant »,
frère aîné de Pierre ; il laisse à sa veuve Françoise Perrine ADAM
trois enfants
en vie : Yves-Georges, Sylvain-François, et Françoise-Perrine,
respectivement 4, 3, et un an.
Marie Thérèse sa
sœur devient veuve (avant 1745 d’après
le seul document trouvé à ce jour) et ses enfants Sylvain-Jean et
Guillemette
SEMIDON peuvent eux aussi avoir besoin d’un tuteur.
1740
Ayant
le privilège (cf. ci-dessus) de ne pas être obligé d’assurer une
tutelle,
Pierre BLANCHARD des RABINES demande à en être exempté ; il est
alors
condamné à payer les frais de nomination d’un autre tuteur !
(Quels sont
les enfants dont Pierre BLANCHARD refuse la tutelle : ceux de son
frère ou
ceux de sa sœur ?)
Une
lettre datée de Paris le 26.8.1740 plaide sa cause auprès de M. De
PONTCARRE
de VIARME pour qu’il soit libéré de
cette obligation (voir photo_1 et photo_2).
En 1739, 1740 et 1742
naissent trois fils à Pierre BLANCHARD et Anne Pélagie PINOU :
-
Joseph, né en 1739 et mort à 3 ans en 1742
- Servan François, né en 1740, qui sera
pêcheur, épousera en 1769 Jeanne Marie LEBOEUF
après le décès de son père, et mourra à Saint Pierre et Miquelon
-
Joseph Nicolas, né le 6.12.1742, dont la marraine sera sa sœur de 16
ans Anne
Nicole BLANCHARD, et qui sera écrivain.
1742
Pierre
BLANCHARD quitte la rue Garangeau pour la rue de la corne de Cerf et la
maison
des héritiers de Mlle des ANTONS BOULAIN appartenant à Mathurin Joseph
GROUT seigneur
de Princé.
« Une maison avec une
grande
cave, grande cuisine dessus, 1er, 2ème, 3ème, 4ème étage,
avec les
greniers, une petite maison avec communauté pour les eaux de la citerne
jointement avec les autres locataires, qui occupent la maison joignante
qui
appartient au seigneur de Princé, de quelles eaux il leur sera permis
d’user
aux uns et aux autres pour leurs ménages, et non pour autres en
dehors. »
T.JAMAUX-GOHIER a
reconnu sur place aujourd’hui « la maison avec des bornes de
pierre pour
que les voitures n’abiment pas les murs, sous la fenêtre du
rez-de-chaussée, le
seuil d’une grande porte permettant autrefois de pénétrer chez le
Maître de
Poste…une belle maison, mais pour y accéder il faut circuler dans des
rues
étroites… ».
En 1745, Marguerite
DÜGUEN décède rue Dauphine à Saint-Servan, où elle habite chez sa fille
Marie
Thérèse, veuve de Sylvain SEMIDON.
1746
A
cette date, cela fait huit ans que Pierre BLANCHARD des RABINES occupe
son
poste ; il propose des améliorations. Ses propositions sont
portées à la
connaissance de M. d’ARGENSON, Grand Maître des Postes, qui écrit de
Versailles
le 20.3.1746 à M. de PONTCARRE de VIARME
à Rennes pour lui soumettre le projet avec avis favorable, lui
demandant
d’indemniser de ses avances le Maître de Poste. Le Maître de Poste
propose qu’un
poste soit créé au Vivier, localité située sur la côte entre Cancale et
le
Mont-Saint-Michel, la distance de Saint-Malo à Pontorson étant trop
grande. Il
propose aussi qu’un poste soit créé à Dinan : en effet les chevaux
de
Saint-Malo pour Lamballe doivent prendre le bac sur la Rance, et se
refroidissent au milieu de la course. Un poste à Dinan éviterait cet
écueil
(voir photo_1 et photo_2).
Le
8.4.1746, réponse favorable de l’Intendant de Bretagne qui s’engage à
présenter
le projet à la prochaine réunion des Etats de Bretagne.
Le
2.12.1746 de Fontainebleau, d’ARGENSON transmet trois plaintes de son
Maître de
Poste Pierre BLANCHARD au subdélégué M.de COHIGNE NOUAIL, qui lui
répondra
le 20.1.1747 (voir photo_1 et photo_2) :
1) Le Maître de Poste de
Pontorson ne
renvoie pas chaises et chevaux à
Saint-Malo mais seulement au Vivier à quatre lieues de là : c’est
une
dépense de plus pour le Maître de Poste de Saint-Malo
2) Le Lieutenant Général de
la Police
de Saint-Malo empêche Pierre BLANCHARD de faire voiturer par la ville
foin,
paille et avoine pour son service ; il est donc obligé de les
faire venir
de plus loin, une lieue et demie, à ses frais.
3) Plusieurs de ses chevaux
sont
atteints de la morve : il demande du secours pour les remplacer, autrement
il lui sera impossible d’assurer son service.
1748
Une
fois encore, M. d’ARGENSON, de Versailles, soumet le 12.2.1748 à M. de
PONTCARRE de VIARME une nouvelle
proposition du Maître de Poste de Saint-Malo : créer une Poste au
Vivier.
Cette fois-ci, on sent que l’agacement gagne le Grand Maître des Postes
et
Relais. Il demande à M. de PONTCARRE de VIARME de bien vouloir examiner
si le projet est aussi nécessaire que le
prétend
le nommé BLANCHARD…
Le
2.12.1748, M. d’ARGENSON
demande que l’on vérifie les postes de
BLANCHARD (voir ici)
Le
15.12.1748, la proposition de BLANCHARD est acceptée par les Etats de
Bretagne,
les Postes du Vivier et de Dinan sont créés, et l’on recrute pour cela
de
nouveaux Maîtres de Poste. Les candidats doivent être « en état de
monter
une poste de chevaux avec fourrage et équipages nécessaires, aux
appointements
de 300 livres tournois par an » et avec les privilèges déjà
évoqués
ci-dessus (voir photo_1 et photo_2).
En 1749, sa fille Françoise
Yvonne (SOSA 255), qui a épousé Suliac François BESNARD (de
Saint-Servan),
navigant, a un fils Pierre Pascal.
Veuve, Françoise Yvonne se remarie vers 1750 avec François Fulgence
LABBE (SOSA
254) cavalier dans le Régiment de Conty, puis maître sellier.
La
situation de son nouveau gendre est très favorable à Pierre BLANCHARD.
Mais je
n’ai pas de documents permettant de savoir si des relations existaient
entre
Pierre BLANCHARD et Fulgence LABBE avant ce mariage.
1750
Par
une lettre du 1.9.1750, le subdélégué de Saint-Malo demande au comte
d’ARGENSON
que Pierre BLANCHARD soit indemnisé pour
la perte de 5 chevaux.
En 1752 et 1753,
naissent deux petits-enfants du sieur DES RABINES : Françoise
Perrine
LABBE (SOSA 127), puis Nicolas Fulgence
LABBE (qui sera loueur de chevaux !).
Sa fille aînée Anne
Nicole BLANCHARD a épousé Joseph BALARD et a deux enfants en 1752 et
1753 : Joseph François (dont le parrain est Pierre Blanchard) et
Françoise
Nicole.
1753
Pierre
Blanchard déménage à la Licorne. Cette maison, dépendant de
l’Hôtel-Dieu appartient
à écuyer Jean Baptiste MAGON de la VILLEHUCHET « joignant la
chapelle
Saint Thomas elle consiste en une boutique sur le devant, une petite
salle
basse pouvant servir de cuisine, un cellier donnant sur une cour qui
est derrière.
Trois chambres au premier cours (c.a.d étage), une au second avec un
grenier au
dessus servant à loger du foin et ayant la superficie de la maison,
écurie au
côté avec un appentis, des latrines dans la cour, ainsi qu’une petite
salle basse
et une petite chambre au dessus qui ont leurs fenêtres sur l’endroit du
dernier
accroissement de la ville près de la porte Saint Thomas. » [cité
par
T. JAMAUX-GOHIER]
Enfin
près de la porte de la ville ! Les conditions de travail
s’améliorent, du
moins en ce qui concerne le logement. En effet les charges sont lourdes
et les
recettes insuffisantes.
Les
charges
Le
loyer de la Licorne est de 200 livres par semestre.
Un
cheval coûte à l’achat environ 200 à 300 livres, le prix étant variable
selon
qu’il s’agisse d’un maslier, d’un bidet, …. Lorsqu’il est malade,
atteint de la
morve maladie très contagieuse, il faut l’isoler, voire l’abattre et le
brûler.
Or il faut que le Maître de Poste ait au minimum 6 chevaux. En 1754,
Pierre
BLANCHARD en a 10. En 1762 il n’en aura plus que 6.
L’entretien
du cheval implique
- la présence d’un
palefrenier pour les
soins quotidiens qui ne sont pas du ressort du Postillon,
-
les
visites au maréchal-ferrant aussi
vétérinaire,
-
l’achat
et l’entretien des harnais,
selles, etc…
-
la
litière, qui nécessite à elle toute
seule deux bottes de paille par jour,
-
le
foin et l’avoine.
L’eau
nécessaire est à aller chercher au réservoir près de la grande porte de
Saint
Malo, où arrive l’eau captée à Saint-Servan.
Les
recettes
Nous
avons vu qu’un « courrier », c'est-à-dire un voyageur, devait
payer
75 à 100 sols (vingt sols font une livre tournois) pour le trajet de
Saint-Malo
à Chateauneuf. Le handicap du relais de Saint-Malo, comme de celui de
Dinard,
est d’être en bout de route. Ce sont des relais pauvres. D’autres,
véritables
carrefours, apportent la richesse au Maître de Poste.
Nombreux
sont les Maîtres de Poste qui exercent en plus le métier d’aubergiste, et doivent payer les impôts correspondants.
Pierre
BLANCHARD se défend d’être aubergiste ; son budget est étroit, il
ne veut
pas payer de taxes supplémentaires, alors que la clientèle est
médiocre. Cependant,
dans l’enquête de Choiseul en 1761, il admet qu’il donne à boire et à
manger
aux courriers qui arrivent. Ce pourquoi on lui refuse de payer
l’eau-de-vie à
prix réduit, comme c’est le cas pour les relais qui ne font pas
auberge. Il
affirme que l’eau-de-vie lui sert à panser ses chevaux.
T.
JAMAUX-GOHIER écrit : « Rien dans les baux n’indique que
la
Licorne en 1752 soit une auberge. Un registre de capitation indique que
Pierre
BLANCHARD y tient la messagerie de Vitré et de Laval… ». Elle
mentionne
aussi qu’en 1777, les registres de capitation indiquent
que Denis Quesnel, Maître de Poste à son tour
établi à la Licorne, sera présenté en qualité d’aubergiste.
1754
Pierre BLANCHARD a alors
49 ans, 6 enfants et 5 petits-enfants.
Il
a obtenu que son relais ne s’étende plus qu’au Vivier et à Châteauneuf, et n’assure plus le service de
Pontorson et de Lamballe. Il assure les Messageries pour Vitré et Laval, ce qui lui assure un complément de
revenus mais ne facilite pas ses relations avec la Maîtresse de Poste
de
Pontorson.
Le
7.6.1754, il écrit de Saint-Malo au comte d’ARGENSON, et signe de sa
main une
demande d’aide « car le prix du fourrage a cette année tellement
augmenté
à Saint-Malo que cela met en péril son entreprise, au point qu’il se
verra
obligé de renoncer à fournir des chevaux à Saint Malo ». Il
souligne que
les autres postes sont mieux placés que lui, qui ont l’aller et le
retour des
voyageurs, alors qu’à Saint-Malo il n’a que l’aller (voir photo_1 et photo_2).
A
la suite de cette lettre, le 23.6.1754 de Versailles, d’ARGENSON écrit
à
Cardin-François-Xavier LE BRET Intendant de Bretagne, en y joignant une
lettre,
sans doute du supérieur hiérarchique de
Pierre Blanchard à Saint-Malo. On constate que la lettre de Pierre
BLANCHARD du
7.6.1754 était la copie presque conforme de celle de son supérieur
(voir
photo_1 et photo_2). Celui-ci souligne que Pierre BLANCHARD est
l’un des
Maîtres de Poste les mieux considérés puisque c’est lui que l’on a
préféré aux
autres pour conduire le marquis de PAULMY (neveu du comte d’ARGENSON,
qui lui
succèdera en 1757 comme Secrétaire d’Etat à la Guerre) et sa suite, de
Jugon à
Saint-Malo.
Pierre
BLANCHARD des RABINES a-t-il été exaucé ? Je n’ai trouvé aucun
document me
permettant de le savoir.
Les
Maîtres de Poste sont soumis à des inspections et doivent rendre des
comptes.
J’ai seulement trouvé l’imprimé rempli à
cet effet par le Maître de Poste de Rennes ; un équivalent a dû
être
rempli par Pierre BLANCHARD :
En 1757, sa femme Anne
Pélagie PINOU meurt.
En 1758, Pierre
BLANCHARD se remarie avec Marie Anne JAN. Ils
ont un fils en 1759, qui sera nommé Pierre
Guillaume.
Sa fille aînée Anne
Nicole a eu un fils Marin Nicolas BALARD en 1756, sa fille Françoise
Yvonne trois enfants : Julienne
Perrine LABBE en 1755, Marie Michelle LABBE en 1757 et Anne Julienne
LABBE en
1759.
Sa nièce Françoise
Perrine, fille de son défunt frère aîné Yves, dont il est le parrain, a
épousé le
28.11.1758 à Saint-Malo Guillaume DENIS, loueur de chevaux.
1761
Cette
fois-ci, c’est le duc de CHOISEUL qui de Versailles envoie le 9.3.1761
à Rennes
les plaintes de son administré : on a supprimé le poste du Vivier
pour le
déplacer à Dol. La distance est augmentée et de plus la route est
remplie de
« mollieres » (il s’agit de
crevasses).
Deux
lettres du 25.4.1761 donnent :
-
l’une l’arbitrage de M. LOISELEUR, Ingénieur des Travaux
Publics. Il donne
raison au Maître de Poste de Saint-Malo en ce qui concerne la distance
plus
élevée,… mais l’état des routes sera amélioré dès la belle
saison, les
« mollieres » remplies de pierres. Par ailleurs la poste du
Vivier ne
desservait que Pontorson, alors que celle de Dol permet de rejoindre,
outre
Pontorson, Dinan, Antrain, Hédé… : l’ingénieur annonce qu’il sera Jeudi
suivant
à Rennes,
-
et l’autre les commentaires de François Louis DESRIEUX de la TURRIE,
maire de
Dol et Subdélégué de l’Intendant de
Bretagne (voir photo_1 et photo_2).
1762
Un
procès-verbal est envoyé le 18.2.1762 à
M. de CHOISEUL par le maire de
Saint-Malo Pierre LE FER sieur de Chanteloup, aussi Subdélégué, assisté
de M.
LOUVEL, greffier. Il y est relaté
que M.BLANCHARD ayant été accusé
de négliger son service, une inspection
de son poste a donc eu lieu. Ce jour-là Pierre BLANCHARD est
absent : sa
femme Marie Anne JAN explique qu’il est parti depuis deux jours pour
Nantes
pour accompagner M. GANNE, commandant le bataillon arrivant du Canada.
Il est
donc constaté que le Maître de Poste a dépassé les limites de son Poste
et
qu’il n’a laissé que trois chevaux malades dans les écuries.
A
leur décharge, Marie Anne JAN sa femme dit que les affaires sont
mauvaises,
qu’il y a peu de voyageurs, qu’il faut qu’il nourrisse sa famille et
elle
supplie que l’on décharge son époux de cet emploi (voir photo_1 et photo_2).
Pierre
BLANCHARD des RABINES meurt dans son logement de la Licorne à Saint-Malo
le 31.3.1763, à l’âge de 58 ans.
Une messe est chantée dans la cathédrale pour son inhumation.
Marie Anne JAN devient à
sa suite Maîtresse de Poste de Saint-Malo
1766
Le
duc de CHOISEUL demande le 8.12.1766 à l’Intendant de Bretagne de faire
réparer
les routes, suite à une demande de la Veuve BLANCHARD. Celle-ci demande
un
troisième cheval pour les chaises à cause de l’état des routes,
rappelant que
le 24.12.1764 un troisième cheval avait été accordé à certains Maîtres
de Poste
dans des départements où les routes étaient très mauvaises (voir ici).
Le
26.12.1766, une même demande émane de M. Pierre Claude EVEN ingénieur
des Ponts
et Chaussées à Dol.
Et
le 31.12.1766, la demande est accordée seulement pour la route de
Saint-Malo à
Dol, puis rejetée le 25.1.1767 (voir photo_1 et photo_2).
Les
chicaneries administratives continuent.
1767
Le 24.11.1767, Marie
Anne JAN (née en 1722) se marie pour la troisième fois avec Jean
Jacques
DELMAGNE sieur DUFRESNE (né en 1728 à Paris), domicilié de la paroisse
st
Sauveur de Dinan, en présence de Jean Baptiste Guy MOULIN sieur de la
Pépinière, employé pour les fermes du Roi et de Françoise Perrine ADAM
veuve de
Yves BLANCHARD son ex belle-sœur. On trouve sur le registre paroissial
une
signature maladroite « des rabines », qui doit être celle
d’un petit
garçon de 8 ans, Pierre Guillaume BLANCHARD, fils de défunt Pierre
BLANCHARD et
de la mariée Marie Anne JAN (voir ici).
Aucun
descendant de Pierre
ne reprendra la charge de Maître de Poste.
Gilles
FOUCQUERON,
Saint Malo 2000 ans d’histoire,
André
LESPAGNOL,
Messieurs de Saint-Malo
les travaux de PARIS-JALLOBERT
les travaux (accessibles sur Geneanet des autres généalogistes, en particulier Fabien Arbanère, Xavier Gille et Joel Rittling.
T.JAMAUX-GOHIER : La Poste aux chevaux en Bretagne (1738-1873)
Sources sur internet :
J.RICOMMARDIES « Subdélégués en titre d’office et leurs greffiers dans l’intendance de Bretagne ; Annales de Bretagne 1961 pp437-471 ;
Charles FLORANGE : Etude
sur les Messageries des Postes
Anne
BRETAGNOLLE
Analyse morphodynamique