Le site de généalogie de Catherine et Michel Meste |
Nous
nous intéressons
aujourd’hui à un membre de la famille au destin particulier :
Raymond
Louis Eugène Deloustal (1861-1940). Bien qu’ayant toujours résidé à
Barcelone,
il a revendiqué toute sa vie sa nationalité et œuvré pour que les liens
perdurent entre les français de Barcelone et leur patrie.
Raymond
Louis Eugène naît le 10 janvier 1861, en même temps
que sa sœur jumelle Rosalie, à Barcelone (Espagne), où vivent leurs
parents
Louis Deloustal (Sosa 24) et Jeanne Guilhaumon, leur grand-mère Anne
Constans (Sosa 49),
ainsi que leurs
demi-frères Alphonse et Jules (Sosa 12) de 12 ans leur aîné. Deux ans
plus tard,
naîtra
Victorine. Jeanne Guilhaumon est la seconde femme de Louis. Tous deux
sont nés
à Carcassonne (Aude). Ci-dessous, les ascendants proches de
Raymond, ainsi que la fratrie :
Louis
est le fils de Pierre Deloustal et d’Anne Constans. En janvier 1839, à
l’âge de
22 ans, il se rend à Cuba (son passeport mentionne qu’il est tailleur
d’habits). En novembre de la même année, il épouse en premières noces
Louise Derouville
(Sosa 25), dont les
parents viennent de Saint-Domingue. En janvier 1841, sa mère Anne
Constans,
veuve, le rejoindra (son passeport mentionne qu’elle est marchande).
Louis a
deux enfants à Cuba : Alphonse et Jules, qui naît en mai 1846.
Vers
1850, Louis, sa femme, sa mère et ses deux fils s’installent à
Barcelone. Il est enregistré au consulat de France sous
le n°314.
En
Catalogne, c’est la
première Révolution industrielle, la « Renaixencia » à
laquelle les
français participent activement. C’est aussi l’époque à laquelle, comme
à Paris
et à Londres, un grand plan d’urbanisme est lancé, le plan Cerda. On
peut aussi
mentionner la présence de Ferdinand de Lesseps, nommé consul général de
France
à Barcelone en 1842, et qui créera des réseaux de solidarité à
l’intérieur de
la colonie française de Barcelone.
Louis
Deloustal, avec un associé, S.Gotzens, crée
calle Gracia une fabrique de savon, qui
s’installera très vite rue San Rafaël.
En 1854, Louise Derouville décède. En janvier 1859, Louis retourne dans l’Aude pour épouser (sans contrat de mariage) Jeanne Guilhaumon, institutrice à Brugairolles, laissant à Barcelone ses fils aux bons soins de sa mère Anne Constans. Retour immédiat à Barcelone de Louis et de sa seconde femme, et naissance en 1861 de Raymond.
Combien de temps Raymond a-t-il connu sa grand-mère Anne Constans ? Nous savons qu’en 1959, elle assurait une présence à Barcelone pendant le mariage de ses parents. Combien de temps est-elle restée à Barcelone ? Nous avons trouvé le décès d’Anne Constans à Montpellier le 22 novembre 1868, dans l’asile des Petites Sœurs des Pauvres. Depuis combien de temps était-elle à Montpellier ?
Jeanne
Guilhaumon est nommée
exécutrice
testamentaire
pour l’ensemble des biens :
la fabrique de savon
située 10 calle San Rafaël à Barcelone et la
propriété de Gatimel.
Il
légue
ses biens en
parties égales à sa femme et à ses cinq enfants.
Si
Raymond a toute sa vie habité une seule ville (Barcelone),
il n’en a pas été de même pour son demi-frère Jules. Ce dernier, né à
Cuba, rejoint
Barcelone à l’âge de 4 ou 5 ans. Vers 1865, il quitte Barcelone pour
Marseille
où il se marie en 1870 avec une occitane ; ils ont 2 enfants. Il
est
commis. On le retrouve en 1880 à Tunis où il a 3 autres enfants. Il est
commerçant.
En 1885, il part au Tonkin et y fait venir toute sa famille. Il est
avocat. Il
décède à Hanoï en 1916.
Jules
est revenu à Gatimel jusqu’à l’incendie de 1908, y
amenant ses enfants. C’est ainsi que son fils Eugène a pu transmettre
ses
souvenirs à sa fille Simone qui, à son tour, depuis Toulouse, amenait
en 1955
ses propres enfants à Malegoude, leur donnant le sentiment
d’appartenance au
monde occitan.
Malgré la distance Barcelone-Hanoï, Raymond « de
Barcelone » et la famille de son frère Jules se sont rencontrés à
Gatimel
et ailleurs en France lors d’évènements familiaux : naissances,
mariages,
et décès.
En
1909, Raymond est témoin à Garches lors du mariage de
René Louis Emile Sins, fils de sa sœur Rosalie.
Le
3.4.1933, il est présent avec sa femme à Aix-en-Provence aux
funérailles de son
neveu Raymond Marie Alphonse Deloustal (âgé de 60 ans), fils de son
demi-frère
Jules (décédé en 1916). Sont également présents : sa sœur
Victorine (qui
habite Mirepoix), son beau-frère Emile Sins venant de Paris (époux de
sa sœur
Rosalie, décédée en 1924), puis, venant de Hanoï, son neveu Eugène avec
sa
femme et sa fille Simone Deloustal, et enfin, venant aussi de Hanoï,
Jean
Forsans époux de sa nièce Juliette Deloustal.
Lorsque
Raymond naît en 1861,
son père est déjà bien installé à Barcelone :
- en 1857, la fabrique
de savon « La Rosalia » de la société Gotzens, Deloustal
et Cie,
déjà bien connue, se déplace dans l’usine construite 10 calle san
Rafaël par un
fabricant de savon, Francesco Aranyo i Torrents.
On trouve dans la presse la
publicité : « Grande
fabrique de savon dur blanc, jaune, jaspe, de différentes
classes ; et
savon à l'oléine. Des expéditions se font partout. MM. Gotcens,
Deloustal et comp. ».
-
en
1860, la fabrique expose à l’Exposition Industrielle et Artistique de
Barcelone
et y reçoit un prix.
- en 1863,
Louis
Deloustal publie le brevet d’un nouvel appareil pour la fabrication du
savon, voir ci-contre
(Oficina Española de Patentes y
Marcas, 11 abril del 1863).
-
en
1867, Louis est présent à l’Exposition Universelle de Paris.
La
fabrique fonctionnera encore durant une vingtaine d’années.
A
la mort de son père en 1883,
Raymond hérite à 22 ans de la fabrique de savon de la calle San Rafaël.
En 1882,
ayant fait son service militaire, il prend très probablement la suite
de son
père, pour quelques années.
C’est en 1883 que naît la
Chambre de
Commerce Française de Barcelone, qui est invitée à participer à
l’Exposition
Universelle de 1888 pour y faire la promotion des produits français. La
Chambre
d’Industrie, créée en 1914, fusionnera en 1925 avec la Chambre de
Commerce.
Raymond en sera le secrétaire, comme nous le verrons plus loin.
C’est
comme constructeur du
Gazogène Type « Gardie » dans une usine située calle Cortes,
qu’on le
retrouve en 1902.
Cette
activité est confirmée par différents journaux citant plusieurs
livraisons au
port de Barcelone de chargements d’acier pour Raymond Deloustal.
Barcelone garde surtout la
mémoire de Raymond par la présence d’un bâtiment remarquable : la
« Casa
Raymundo Deloustal » (aujourd’hui propriété de M. Pujol, sous
le nom de
torre Pujol). C’est entre 1917 et 1919 que l’architecte espagnol bien
connu Enric
Sagnier
édifie pour Raymond cette maison d’habitation individuelle, au 64
passeig
Bonanova, dans le style art nouveau si présent à Barcelone. C’est dans
cette
maison que décèderont Raymond puis sa femme en 1940 et 1943 (voir plus
loin).
La "Casa Raymundo Deloustal", 64 passeig Bonanova, Barcelona |
Ci-dessus, mosaïque de la Casa Deloustal. Ci-dessous, détail de la façade. |
Cependant,
ce n’est pas son
activité professionnelle seule qui permettra de maintenir son souvenir.
Ce sont
surtout ses activités sociales qui l’ont fait connaître à Barcelone et
en
France. Première décoration : le 2.11.1899 il est fait commandeur
d’Isabelle la Catholique.
-
Délégué de l’Union des Sociétés d’Education
Physique et de Préparation Militaire (E.P.P.M.), il fonde une revue
périodique « le
Soldat de Demain » et en devient administrateur.
-
Président fondateur de la société de
préparation militaire « Patrie » créée en 1910, il est alors
missionné en Espagne par le Ministère français de la Guerre.
« Les
équipes de sport de l’Association Patrie
s’imposent dans plusieurs compétitions au niveau régional et national
[….].
Jusqu’à 1936 les activités sportives de la communauté française étaient
encadrées par l’Association Patrie. Au sortir de la guerre elle ne se
reforme
pas. » [ voir « Les Français
de Barcelone », sous la direction de Guillaume Horn, édité en 2021
par Bienfaisance
Barcelone].
Les sociétés de
préparation militaire
s'efforcent avant 1914 de
préparer les jeunes gens au service militaire. Elles ont des noms
variés :
société de tir, société ou association gymnique, jeunes chasseurs etc.
Leurs
fondateurs sont des officiers retraités ou de réserve, des instituteurs
patriotes, des prêtres sportifs etc. On s'y entraîne au tir, on prépare
revues
et défilés, on lit le manuel d'infanterie et on fait du sport.
Progressivement,
le Ministère de la Guerre encadre ces sociétés et procède à l'agrément
des plus
sérieuses,
-
Membre
de la Société Générale Française de Bienfaisance, il en devient
administrateur
de 1893 à 1896, puis successivement secrétaire et vice-président de
1915 à 1917.
Cette
association est l’héritière de la
confrérie de Saint-Louis, fondée vers 1450, par la communauté française
de
Barcelone pour une mission d’entraide.
Commerçant,
il est membre de la Chambre de Commerce et de
l’Industrie Française de Barcelone : secrétaire en 1902, il en
devient
successivement second vice-président puis 1er vice-président
en
1917. Il collabore aux Expositions Françaises. On trouve sa présence
dans de
nombreux articles de journaux :
-
La
Vanguardia du 26.4.1902
publie un mariage dont le témoin est « el conocido
comerciante »
M.Raymond Deloustal.
-
La
Vanguardia
du
4.6.1905 publie une lettre adressée au Président de la République
Française : « La Chambre de
Commerce Française de Barcelone, profondément émue du lâche attentat
dirigé
contre Sa majesté Alphonse XIII et dont vous-même avez failli être
victime,
se réjouit de savoir que vous en êtes sorti sain et sauf et vous prie
d’agréer
l’expression de ses sentiments respectueux. Pour le président
absent, le
Secrétaire : R.Deloustal. ».
-
C’est
grâce à un article de La Vanguardia
du 1.11.1905 que nous apprenons que
Raymond est marié à cette date. En effet, lors du banquet
organisé par
la colonie française avec le concours de la Chambre de Commerce, dans
le
restaurant « La Maison Dorée », banquet présidé par le consul
général
de France le baron Bellissen-Benach, Madame Deloustal est présente à la
table
principale, à côté du représentant de la Chambre de Commerce de
Barcelone : le señor Quintana.
Le
menu : Huîtres de Marennes, Relevé : Œufs de coquille, Filets
de sole
Joinville, Balotines de grives périgueux, Selle de présalé à la broche,
Haricots
verts au jambon, Glace coupet Jacques, Pâtisseries, Fruits, Café,
Liqueurs,
Vins : Fontrodona « grand vin », Castell del Remey
(blanco),
Champagne Louis Roederer frappé.
-
La
Vanguardia du 1.11.1918
cite
parmi les membres directeurs de L’Oeuvre de Secours Immédiat aux Belges
Libres : le président d’honneur M. Eudore Lefèvre consul de
Belgique et le
trésorier M. Raymond Deloustal.
-
Le
22.7.1919,
dans le journal français « Le Matin », est publié : « Un beau geste de deux catalans :
des primes aux aviateurs du camp retranché de Paris ». Le
7.2.1918, M.
Delman Oliveres offre 5000 francs à l’équipage d’avion français ou
allié qui
aurait abattu un avion ennemi attaquant Paris. M. Deloustal, ancien
président
fondateur de la Société Française de Préparation Militaire
« Patrie », de Barcelone, offre une prime égale.
-
La
Dépêche, avril 1923,
rapporte un échange de lettres entre
Raymond Deloustal, ancien vice-président de la Chambre de
Commerce Française
de Barcelone et M. Delcassé (ancien ministre des Affaires Etrangères),
à propos
de la fermeté à montrer envers l’Allemagne : « le
Rhin gardé par la France est aussi la frontière de
l’Angleterre ».
-
Bulletin
des étrangers en Savoie du 27.7.1924,
publié
par la Chambre syndicale des hôteliers d’Aix-les-Bains : présence
de M. et
Mme Raymond Deloustal de Barcelone à l’hôtel Thermal, venant de
Marseille.
- La
Vanguardia du 22.10.1935.
Homenaje a unos campeones : une
photo dans les jardins de la Société Patrie avec le fondateur du club
M. Raymond
Deloustal (à gauche sur la photo ; il a 74 ans et de grandes
moustaches)
-
La
Bourgogne républicaine du 31.1.1937 donne
le palmarès du concours organisé par
l’union des sociétés d’éducation physique et de préparation au service
militaire : le prix Raymond Deloustal a été obtenu par un jeune
athlète
d’Arc-sur-Tille.
Enfin,
ce parcours a reçu la récompense de la République Française :
La nouvelle paraitra dans de
nombreux journaux français : L’Echo d’Alger (31.8.1929),
Le Petit Journal du
Parti Social Français, La Petite Gironde, journal républicain quotidien
du
31.8.1929, La Nation, le journal « L’Auto » (31.8.1929).
Raymond
décède le 17 mars 1740 à Barcelone, dans sa maison
du passeig Bonanova, suivi deux ans après par son épouse Maria de
Palacio
Montiel. On retrouve dans La Vanguardia les faire-part de ces deux
décès.
Raymond restera, dans la famille Deloustal, le seul de cette génération à naître et mourir dans la même ville.
N.B. On pourra
retrouver dans Geneanet toutes les données généalogiques (identifiant
mestenerzic).