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Les DELOUSTAL au Tonkin : 1886-1944




Durant plus de cinquante ans, Jules Deloustal, puis ses fils Raymond et Eugène, et enfin son petit-fils André ont marqué dans différents domaines leurs séjours dans ce protectorat.

Carte du Tonkin

    Tout commence avec l’arrivée à Hanoï, en 1886, de Jules Deloustal (qui a alors 37 ans). Sa femme Claire Amouroux et leurs cinq enfants le rejoindront le 6 décembre 1888 (source : CAOM). Nous ignorons les raisons de ce saut dans l’inconnu, après dix ans de présence à Tunis.

            Le premier repère est l’existence d’une « mine Deloustal », dans les montagnes de l’ouest du Tonkin, dans la région de SON-LA, mentionnée dans les récits de voyage de Henri Philippe d’Orléans en 1894 (Autour du Tonkin, Paris, Calmann Levy). On sait qu’en 1891-92  Jules est avocat à Hanoï. Regardons ce que dit Philippe d’Orléans de la visite à cette mine (p.242-243) :

« Nous voici près de la mine Deloustal : un beau point de vue découvre au loin les montagnes du Thanh-Hoa ; un arrêt est obligatoire, pour regarder le spectacle, et en même temps pour jeter un coup d’œil sur le gisement de cuivre. Dans un rocher porphyrique, quelques trous ont été creusés sous la direction d’un avocat d’Hanoï qui a pris le périmètre ; on n’a pas été à plus de quatre à cinq mètres de profondeur. Dans les déchets, je vois du sulfate de cuivre d’un beau vert, qui s’effrite et s’écrase sous le doigt ; les filons sont surmontés d’une calotte d’oxyde de fer qu’on appelle calotte de filon ; ils s’appuient entre des terrains primitifs et des calcaires. On rencontre des caractères analogues dans les gisements de Névada. Pourtant, les français qui sont venus ici n’ont jusqu’à présent pas trouvé de veine valant les dépenses de l’installation, de l’exploitation et du transport ; la mine semble actuellement abandonnée.

Carte du Tonkin - environs de Lao-Kay

Ce ne sera pas la seule mine prospectée par Jules…

Jules décède le 9 octobre 1916 à Hanoï, 32 boulevard Gia-Long. Dans son acte de décès, on mentionne qu’il est avocat  défenseur honoraire.

            Le deuxième repère est constitué par le travail de Raymond. Arrivé à 15 ans avec ses parents, il termine pendant trois ans ses études à Hong-Kong (par conséquent en anglais). Il effectue son service militaire au Tonkin, ce qui le décide à apprendre la langue et l’écriture du pays.

Il entre le 9 mai 1894 dans l'administration, comme commis greffier.
En 1902, il entre dans le corps des Interprètes du Service Judiciaire du Tonkin.
De 1910 à 1913, il est chargé du cours d’annamite aux Langues Orientales à Paris.
En 1914, il revient au Tonkin, où il est Interprète en chef, chargé du bureau des traductions près la Cour d'Appel de Hanoï.
Pendant la grande guerre, mobilisé comme sergent, on l'envoie en Chine, d'où il repart en 1917 avec un contingent de chinois qui débarque en France en septembre 1917.
Il a été membre correspondant de l'Ecole Française d'Extrême Orient pendant 16 ans.
Malade, il se fait mettre à la retraite le 1er janvier 1925, et retourne à Aix-en-Provence, où il décède le 1er avril 1933.
Durant sa carrière, on peut retenir parmi ses publications :
- Manuel, puis Vocabulaire et méthode, pour l'étude de l'annamite et du cantonais, en 1907 et 1908.
- Son oeuvre principale est parue sous le titre : La justice sous l'Ancien Annam. Traduction et commentaire du code des Lë, de 1902 à 1922, dans le Bulletin de l'Ecole Française d'Extrême Orient.

[Sources : notice sur Deloustal dans Langues’O, ouvrage dirigé par Pierre Labrousse]
 

            Le troisième repère est une salamandre. Eugène, frère de Raymond, qui avait fait les Arts et Métiers, entra au Cadastre du Tonkin, après un bref passage dans l’entreprise Daydé et Pillé, qui construisit le pont Doumer à Hanoï. Il fit la connaissance au Cadastre de René Bourret, qui devint par la suite professeur à l’Université de Hanoï, spécialiste des reptiles. Au cours de leur séjour d’été dans leur maison du Tam Dao (station d’altitude au nord de Hanoï, à 30km de Vietry, culminant à 1400m), son fils André remarque une salamandre, qu’Eugène signale alors à son ami René Bourret. Ce dernier récolte et détermine en 1934 cette nouvelle espèce, qu’il dédie à son ami en lui donnant le nom de  Mesotriton deloustali, qui sera appelé plus tard Paramesotriton deloustali Bourret, 1934 [Notes herpétologiques sur l’Indochine française ; Extrait du Bulletin Général de l’Instruction Publique ; Gouvernement Général de l’Indochine, décembre 1934]. Il s’agit d’une espèce que l’on ne retrouve que dans cette montagne du Tam Dao. On donne ci-dessous une photo de la salamandre, ainsi qu’une carte du Tam Dao (source : site internet belleindochine).

Paramesotriton Deloustali

Tonkin, Tam-Dao

La saga familiale avait retenu l’existence d’une salamandre « deloustali », mais c’est  Roger Bour, chercheur au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris qui nous a aimablement communiqué en 2008 l’histoire de cette espèce.

Eugène quitte le Tonkin au moment de la seconde guerre mondiale : le 17 octobre 1939, il fait partie des personnels européens chargés d’escorter le deuxième convoi de travailleurs indochinois en partance pour la France. En janvier 1940, il commande le 6ème bataillon de travailleurs indochinois à la Poudrerie de Toulouse (source : CAOM).

Il décède du paludisme à La Ciotat en 1942, à l’âge de 61 ans.

André, interprète au Tonkin pendant la seconde guerre mondiale, sera fait prisonnier par les japonais et rentrera en France marqué par des séquelles de cet épisode.


Auteur : Catherine Meste-Nerzic.      Pages réalisées avec Kompozer.